Benjamin Bernheim : « la voix mixte fait partie intégrante de la voix du ténor, notamment dans le répertoire français. »

Bientôt à l’affiche de la nouvelle production de Faust mise en scène par Tobias Kratzer à l’Opéra de Paris, Benjamin Bernheim a répondu aux questions croisées de Paul Fourier et Denis Peyrat. Le ténor français que toutes les scènes s’arrachent nous a parlé de ses projets, du soutien qu’il faut apporter au chant lyrique sinistré, et aussi de son souhait de réhabiliter la voix mixte, si importante dans le répertoire français.


D.P : Benjamin Bernheim, 2020 était une année faste pour votre carrière avec vos succès en Des Grieux, la sortie unanimement saluée par la critique de votre disque chez Deutsche Grammophon, votre récompense aux Victoires de la Musique, votre invitation au Gala de la Scala. C’est enfin votre reconnaissance publique et professionnelle ?  

C’est assez extraordinaire, en effet, en dépit du fait que l’année 2020 a été malheureusement amputée, pour tout le monde et pas seulement pour moi, en raison de la situation actuelle. Il se trouve que, dans mon cas, les choses étaient déjà lancées pour l’album Deutsche Grammophon ainsi que pour mes autres projets. Avec beaucoup de chance, j’ai été salué par la critique et par les jury, que cela soit aux victoires de la musique classique ou à Opus Klassiek en Allemagne.  Ce fut donc une année très forte de reconnaissance du monde professionnel, de la critique et des spécialistes. Évidemment, on ne fait pas une carrière pour cela, mais c’est tout de même très important de recevoir des récompenses ou, en tout cas, de recevoir des « tapes dans le dos » du monde professionnel, ce qui nous confirme que l’on est sur la bonne voie, que l’on va dans la bonne direction.

Malheureusement, en France, l’année s’est terminée assez vite sur le plan scénique, en mars 2020, avec Manon à l’Opéra de Paris. Mais, de mars à décembre, j’ai tout de même eu la chance de faire beaucoup de choses. J’ai pu chanter la Traviata, faire des concerts pour Medici et Deutsche Grammophon, ainsi qu’à Salzbourg, puis le Gala d’ouverture de la Scala. Ayant eu plusieurs engagements, je m’estime favorisé par rapport à beaucoup de mes collègues, mais ce n’était quand même pas une année complète.


P.F : Concernant votre répertoire actuel, j’aurais tendance à dire qu’aujourd’hui vous êtes essentiellement un interprète du répertoire romantique français et italien du 19e siècle. Ceci étant, regardez-vous aussi du côté du répertoire allemand ou du répertoire russe ?

Le résumé est assez juste : c’est dans ce répertoire français et italien que je me présente le plus aujourd’hui. Vous savez, dans le répertoire russe, à moins de vraiment commencer à faire des recherches, il y a relativement peu de rôles que je pourrais chanter hormis Lensky dans Eugène Onéguine ou peut-être Vaudémont dans Yolanta. La Dame de Pique ou un répertoire plus lourd, ce n’est pas encore un répertoire que je peux chanter. Je pense qu’il n’y a pas d’équivalent en allemand, pour les jeunes ténors, au répertoire romantique français et italien que je pratique actuellement. Il n’y a pas d’équivalent à Des Grieux, à Rodolfo, Alfredo, au Duc de Mantoue ou à Nemorino. Dans le répertoire allemand, lorsque l’on est un jeune chanteur, on chante l’Enlèvement au sérail, la Flûte enchantée… Mais on ne va pas trouver après d’équivalents aux rôles italiens et français que je viens de citer. Ensuite, si je peux m’exprimer ainsi, on va se retrouver directement catapulté à chanter Max dans Le Freischütz, Erik dans Fliegende Holländer ou Lohengrin : il y a un peu un trou dans le répertoire allemand. Évidemment il y a des rôles que je pourrais chanter comme le Pays du Sourire de Lehar…

D.P : Oui, sauf en effet à partir sur le registre de l’opérette viennoise ou d’autres répertoires, qui sont moins joués en France comme Martha de Flotow.

Il y a en effet Martha, ou il y a le rôle extraordinaire de Flamand dans Capriccio que j’ai eu la chance d’interpréter à l’Opéra Garnier, mais là on se trouve dans des niches, dans des répertoire peu donnés. Après, il y a un rôle comme Matteo dans Arabella que j’ai interprété à Dresde, mais c’est un rôle que je ne souhaite à aucun ténor parce que c’est un rôle très difficile à chanter et, néanmoins, un exercice vocal extraordinaire. Cela dit, ce n’est pas le centre de mon répertoire, et même pour des ténors qui se spécialiseraient dans le répertoire allemand, les rôles de Richard Strauss sont des rôles très particuliers, très difficiles à chanter.  Cela exige une grande flexibilité et une stamina, une force vocale. Si l’on doit les chanter quatre fois par saison, c’est vraiment difficile ! Cela ne veut évidemment pas dire que Des Grieux, Roméo et Faust sont des rôles faciles. Mais, effectivement, c’est ce que j’appelle plus du grand répertoire. Et comme c’est ma langue maternelle, je veux donner le plus possible dans le répertoire français. C’est aussi une question de choix et de volonté !


P.F : D’autant plus que votre voix semble parfaite pour ce répertoire…

En ce moment, elle s’y prête vraiment bien, notamment avec ma capacité à jouer avec la voix mixte. C’est une chance que j’ai, parce que cette voix mixte n’était pas là il y a dix ans, et qui sait où elle sera dans dix ans. Donc il faut que je profite au maximum des couleurs que j’ai à disposition dans ma voix, en ce moment, pour les utiliser au maximum dans ce répertoire. Car peut-être que dans quelques années, ces couleurs ne seront plus là et il faudra que je m’attaque à un autre répertoire, parce que ce sera plus intéressant, parce que cela aura du sens. Aujourd’hui, le répertoire italien lyrique et romantique a vraiment du sens avec ma voix. Il me challenge beaucoup, il me demande d’aller parfois dans mes retranchements, mais il ne me met pas en danger comme le feraient des rôles comme Cavaradossi dans Tosca, comme Don José. Ces rôles me pousseraient beaucoup plus à être tout le temps dans la voix poussée, dans le répertoire de ténor spinto. Si un jour ma voix évolue dans ce sens, j’adapterai mon répertoire. Mais, pour l’instant, ma voix est tellement bien dans le lyrique et dans cette capacité à changer de rails entre la voix pleine, la voix mixte et la voix filée. Aujourd’hui, la chance que j’ai est de pouvoir justement jongler avec ces différentes couleurs et ça marche, donc j’en profite !


D.P : Concernant les rôles français, malheureusement votre Roméo et Juliette au Metropolitan Opera de New York ne pourra pas se faire cette année, on le regrette : est-ce que vous avez d’autres projets pour ce rôle à plus long terme ?

Je ne peux pas encore vous dire précisément où ni comment, mais des Roméo j’en ai à peu près quatre dans les prochaines années : il y en aura pas mal à se mettre sous la dent ! Je vais pouvoir m’attaquer à trois productions différentes et donc aborder le rôle sous des perspectives différentes. Il y a aussi Werther que je vais commencer à  chanter, Hoffmann dans lequel je vais faire mes débuts en Allemagne en septembre prochain. Le répertoire français va vraiment prendre une nouvelle tournure pour moi. Après Des Grieux et Faust, un autre pan du répertoire va se mettre en place, par exemple avec La Damnation de Faust que je vais interpréter dés cette saison.

Pour Des Grieux dans avec cette production de Manon à l’Opéra de Paris, il y a eu un goût d’inachevé car si nous avons eu la chance de pouvoir la chanter, nous n’avons pas eu le plaisir de la chanter jusqu’au bout. C’était une production tellement merveilleuse de Vincent Huguet et tout le cast était à fond dans cette production. Ce fut une frustration de devoir l’interrompre, mais nous avons néanmoins et heureusement pu l’enregistrer et la filmer. Cependant, pour l’instant le rôle de Des Grieux ne revient pas dans mes projets avant quelques temps. On ne peut pas tout faire, l’année ne dure que 365 jours et il n’y a que 24 heures dans la journée. J’ai déjà beaucoup de chance de pouvoir avoir tous ces projets. Et je me réjouis car les rôles français vont avoir une place d’honneur dans mon répertoire.


P.F : Du côté du répertoire italien c’est plutôt Verdi ou Puccini ?

C’est un petit peu des deux. Je n’ai pas énormément de rôles actuellement dans Verdi. Je fais une petite pause avec Alfredo (de La Traviata) parce que je commençais à en chanter trop et à sentir le risque de perdre un petit peu la magie de ce rôle. Le Duc de Mantoue, je vais le chanter, Macduff dans Macbeth, c’est pour bientôt aussi. Il y a aussi d’autres projets en préparation, mais dans un répertoire verdien qui est un peu plus lourd donc ce n’est pas pour tout de suite. Don Carlos en français, Adorno dans Simon Boccanegra, Riccardo dans le Bal masqué, sont des rôles que je veux chanter mais ce n’est pour tout de suite, pas pour les deux-trois années qui viennent. Chez Puccini, il y a essentiellement La Bohème, La Rondine que je vais chanter dans deux ou trois ans dans une nouvelle production. Évidemment, il y a les rôles du Triptyque, Gianni Schicchi et Il Tabarro, mais ce ne sont pas des œuvres qui sont souvent données, ce n’est pas central. Ce qui est central, c’est surtout Rodolfo pour le moment et ça pourrait être aussi Madame Butterfly, mais Pinkerton, ce n’est pas vraiment ma couleur pour le moment. Je vais certainement le chanter mais pas tout de suite…

Nicole Car (Mimi) et Benjamin Bernheim (Rodolfo) dans La Bohème © Bernd Uhlig – OnP

D.P : Dans de précédents entretiens, vous évoquiez précisément votre prudence par rapport aux rôles de Werther et d’Hoffmann. Vous allez finalement les aborder…

Oui, en effet ! Pour aborder Werther et Hoffmann, il me fallait le temps pour travailler certaines scènes et aussi pour m’établir dans la carrière. En deux ou trois ans, il y a eu beaucoup de choses, plusieurs Bohème, plusieurs TraviataManon à Bordeaux et à l’Opéra de Paris… J’ai eu la chance et le temps aussi de m’installer dans ma carrière, et de voir si je faisais un chemin qui était reconnu et adoubé par la presse. C’est important et il fallait que je voie si j’étais capable de faire ce répertoire plusieurs fois et de m’assurer que je puisse y survivre, car ce sont des rôles qui demandent beaucoup d’énergie, beaucoup de voix, beaucoup de force. Ce n’est pas juste en les chantant une fois que l’on peut se dire : maintenant j’ai chanté Manon, et je vais chanter Hoffmann. Mon premier Hoffmann, je vais le faire l’année prochaine et j’ai déjà potentiellement d’autres engagements pour le rôle dans les années qui suivent. Mais avant de signer ces contrats, je veux voir si ce rôle, que je vais chanter en Allemagne, me convient et vérifier que ça ne me coûte pas trop. C’est une question de construction de carrière.


P.F : Hoffmann, c’est un rôle long…

C’est un rôle qui exige de savoir quelle coupures ont été faites et quelle version a été choisie. Car, en fonction des versions, il n’y a pas qu’un seul Hoffmann. C’est un rôle écrasant auquel on peut survivre ou qui peut nous tuer, donc je vais essayer de me battre pour faire celui auquel je vais survivre !


P.F : Cela dépend principalement de la longueur de l’acte trois.

Exactement ! Ce sont des discussions à avoir avec les metteurs en scène, avec les chefs d’orchestre et ce sont des négociations qu’il faut avoir dès maintenant pour les futures productions. Dans le cas de Werther, c’est simple, on sait qu’il n’y a qu’une version. Pour Hoffmann, on ne sait jamais à quoi s’attendre comme version, donc il faut négocier en amont ce que l’on va faire. Donc c’est vraiment une question de choix et de savoir se retirer d’un projet si l’on sent que cela va être trop fatigant.


P.F : Faust, Werther, Hoffmann ce sont trois personnages incroyables, peut-être plus riches que d’autres rôles comme Rodolfo dans La bohème ou Alfredo dans Traviata. Nous sommes vraiment dans des personnages qui sont très caractérisés, pendant tout l’opéra, et dont la personnalité évolue : ça doit être assez passionnant pour un chanteur ?

Ce qui est génial pour Faust – et c’est peut-être, des trois, le rôle qui est le moins sympathique -, c’est vraiment un vieillard qui recherche à revivre sa jeunesse. Il très intéressant d’ailleurs que le metteur en scène de Faust à l’Opéra de Paris, Tobias Kratzer, nous ait dit : « Pour nous les allemands le Faust de Goethe est un personnage qui recherche la sagesse, et on a l’impression que dans la version française de l’opéra, c’est un personnage qui recherche la jeunesse ». C’est assez vrai dans le sens où l’on sent, chez Gounod, qu’il y a chez Faust une faim de la chère, des femmes, du plaisir, de se baigner dans la jeunesse. Et quand on voit comment ce personnage le fait ce n’est pas très joli (rires).

Benjamin Bernheim (Faust) © Monika Rittershaus-OnP

J’ai développé une passion pour le personnage de Des Grieux car c’est un personnage d’une grande beauté, d’une grande noblesse, dans tous les sens du terme, tant sur le plan vocal que par sa personnalité. Hoffmann c’est un rôle qui est génial car il est multi-facettes. Bien sûr il y a toujours le jeune amoureux dans tous les actes. Mais il y a plusieurs facettes de cet amoureux, de ce jeune homme qui prétend avoir grandi à chaque acte en ayant compris les leçons et finalement qui ne les comprend jamais. C’est fascinant et c’est un rôle que je me réjouis de pouvoir chanter.

P.F : Je parlais des différences dans l’acte III, et il y a même une version ou Hoffmann est un assassin !

Absolument ! Il tue Schlemil ! Il y a beaucoup de facettes et cela peut aller très loin, mais de nouveau cela dépend de la version de la partition. Si l’on fait un enregistrement, on peut se permettre de faire une longue version. Mais quand on fait une production où il faut tenir une série de huit ou dix représentations il faut quand même faire attention aux chanteurs, et là, dans ce cas, il faut faire des choix dans la partition.

D.P : Concernant Faust que vous répétez actuellement, vous nous avez parlé de votre conception du rôle et que pouvez-vous nous dire de plus sur la production de Tobias Kratzer ?

Je vais vous dire, c’est déjà allé très vite dans les répétitions. C’est assez extraordinaire car il y a une énergie formidable sur cette production. Tobias c’est un fou de travail : c’est un ogre qui travaille sans s’arrêter et on ne perd pas une minute. Après deux semaines et demie de répétitions, nous avons quasiment déjà travaillé tout l’opéra et mis en place toute l’architecture, l’ossature de l’œuvre. Cela va très vite et cela va très loin dans les détails : nous avons déjà une production qui tient la route.

Benjamin Bernheim (Faust) et Christian Van Horn (Méphisto) © Monika Rittershaus-OnP

Ce que je peux déjà vous dire c’est que c’est une production qui va beaucoup plaire au public, je pense. Parce que c’est une production qui raconte l’histoire de Faust. On est dans le Paris d’aujourd’hui avec beaucoup de projections ; il y aura de belles surprises pour le public. Je pense qu’aujourd’hui la technologie nous permet de faire des choses que l’on peut pouvait pas faire auparavant. Nous allons vraiment passer d’une scène à l’autre avec un côté presque cinématographique. Et c’est même une production qui devrait beaucoup plaire aux parisiens car on voit cette ville d’une façon superbe, notamment de nuit. Je ne vais pas donner trop de détails mais cela va être magnifique ! C’est une production qui va très vite. Il n’y a pas vraiment d’entorses au livret. Et nous, les chanteurs, nous nous disons tous les jours que nous aimons énormément faire partie de cette production, parce que l’on se sent vraiment raconter une histoire qui marche, et qui va être très lisible par le public.

P.F : Vous allez probablement vous retrouver dans le même cas de figure que pour Aïda récemment, à savoir devoir jouer devant une salle vide.

Nous n’avons pas plus d’informations pour le moment. Tout ce que l’on sait c’est qu’il y aura un streaming le 26 mars, comme c’était déjà prévu. Tant que l’opéra de Paris n’a pas l’autorisation de faire des représentations devant un minimum de spectateurs, je ne vois pas l’intérêt d’ouvrir au public. Je sais que selon les pays c’est très différent : en Allemagne, c’est actuellement absolument impossible, mais avec des règles selon les Länder. En Bavière, par exemple, c’était interdit de jouer devant plus de cinquante personnes. Mais à Munich, ils ont effectivement décidé de faire des représentations avec cinquante personnes au maximum, en se disant qu’au moins cela ferait plaisir à ces spectateurs. Ceci étant, beaucoup de mes collègues m’ont dit que c’était terriblement triste de voir si peu de personnes disséminées dans l’ensemble de la salle. En Suisse, la règle était la même. Mais à l’inverse, à Zurich, ils ont trouvé que cela n’avait aucun sens de faire des représentations devant si peu de public. Ici, en France, pour le moment, aucune réouverture n’est possible. À Paris, on travaille, avec un protocole sanitaire très strict, vous savez. Nous, les chanteurs, sommes vraiment mis devant nos responsabilités. Nous avons deux tests PCR par semaine ; nous chantons toutes les répétitions avec les masques. Nous n’enlevons pas le masque une seule seconde à partir du moment où l’on entre dans l’enceinte de l’Opéra Bastille. Nous avons du gel hydroalcoolique disponible dans tous les couloirs. À la cantine de l’Opéra de Paris, nous mangeons seuls, tous séparés. C’est vraiment très strict ! Et en répétition, nous n’enlevons jamais le masque. Nous sommes donc vraiment très coincés d’une certaine manière, mais c’est un protocole qui sécurise tout le monde !


D.P : Vous partagez la scène avec Ermonela Jaho, avec laquelle vous vous étiez produit en concert à Oviedo en 2019 : est-ce important de travailler régulièrement avec les mêmes partenaires ?

Cela a été le cas avec Pretty Yende avec laquelle j’ai fait une nouvelle production de Traviata et une nouvelle production de Manon. L’intérêt c’est notamment de faire de nouvelles choses avec les mêmes collègues. Et l’intérêt de ce métier ce sont aussi les différents mix que font les directeurs artistiques ou les directeurs d’opéra, comment ils marient telle couleur de voix avec telle autre couleur de voix. Faire Faust avec Ermonela Jaho, c’est un nouveau mélange de couleurs. Je l’ai interprété avec Ailyn Pérez à Chicago, avec Véronique Gens au TCE, avec Marina Rebeka à Riga, et là, c’est une nouvelle couleur qui s’offre au public car nous sommes en train de créer quelque chose de nouveau. C’est donc également important de ne pas rester toujours avec les mêmes et de découvrir de nouveaux rôles avec de nouveaux collègues, parce que cela nous permet de développer de nouvelles couleurs en tant qu’artiste sur scène.

Ermonela Jaho (Marguerite) © Monika-Rittershaus-OnP

P.F : Il faut aussi dire qu’Ermonela est une vraie tragédienne !

C’est une grande tragédienne et surtout c’est une personne très sensible. Je me souviendrai toujours des Contes d’Hoffmann de Robert Carsen à l’Opéra de Paris. C’était il y a 3 ou 4 ans, et cela fut, hélas, un rendez-vous manqué des Contes avec Jonas Kaufmann. Cela avait été une grande frustration pour moi car j’étais sûr qu’il serait l’un des plus grand interprètes de ce rôle pour sa génération.  Mais j’avais été assister à cette production et l’Antonia d’Ermonela avait mis toute la salle par terre.

D.P : Oui en effet j’en garde le même souvenir.

Elle m’a aussi beaucoup ému  en Violetta. Même si nous n’étions pas dans le même cast, J’ai eu la chance de chanter dans la même production de Traviata qu’elle au Covent Garden de Londres. Elle était Violetta aux côtés de Placido Domingo et de Charles Castronovo. Elle a quelque chose, Ermonela, qui va au-delà du vocal ! Au-delà du jeu sur scène, elle incarne ses rôles complètement. Lorsqu’elle chante Traviata, dès le premier acte on sait qu’elle va mourir ! C’est tellement beau de la voir, pendant 3h, sur scène, jusqu’à la fin où elle va tout donner et où elle va mourir. Vous savez elle a une morphologie particulière : elle est très fine, elle est assez petite, et elle a des traits de son visage qui font que, si elle est maquillée d’une certaine façon, comme pour Antonia d’ailleurs, on a l’impression qu’elle est malade et qu’elle va donner son dernier souffle. Et je dois dire, pour la tragédienne qu’elle est, cela lui donne une épaisseur incroyable. Quand je l’ai vue au Covent Garden dans Traviata, j’étais accroché ! Même au premier acte, quand elle chante le duo avec Alfredo, elle montrait une telle fébrilité, que ce qui était du jeu évidemment paraissait tellement sincère. Je crois que ce qui est très fort avec un artiste sur scène, c’est lorsque tout le monde est tenu en haleine !

D.P : Pour revenir sur la situation actuelle, est ce que dans le contexte du COVID le rôle des réseaux sociaux n’est pas d’autant plus important pour vous pour continuer à garder ce lien avec le public ?

Je pense vraiment, en effet, qu’aujourd’hui, nous les artistes, en avons besoin, même si je fais partie des chanceux avec une carrière déjà lancée. Avec tous mes collègues, la chance que nous avons aujourd’hui ce sont ces réseaux sociaux, car grâce à eux nous avons pu garder un lien, continuer à nous entretenir avec le public et avec la presse. La chance que l’on a aujourd’hui, c’est de pouvoir se parler sur Zoom ou sur Skype très facilement. Par exemple, en mars de l’année dernière, au début du confinement, j’étais rentré voir ma fille en Suisse et TF1 m’avait sollicité pour une interview. J’ai donc eu cette capacité de la faire en vidéo et c’est quand même une chance par rapport à il y a une quarantaine d’années où l’on ne pouvait faire une interview à distance que par téléphone. Nous, artistes, pouvons continuer à garder une vitrine pour ceux qui nous apprécient. Le public a ainsi une chance de pouvoir avoir accès aux artistes. Je donne un autre exemple : je suis fou de sport et quand le sport s’est arrêté pendant quelques mois, à cause de l’épidémie, cela a été très important pour moi de garder un lien avec l’activité sportive. Donc j’imagine que pour tous ces spectateurs qui ont besoin des artistes d’opéra, qui ont besoin de l’art, cela a été très important. J’ai ainsi vu sur les réseaux sociaux beaucoup de gens témoigner leur gratitude de pouvoir continuer à suivre le peu de choses que nous continuons à faire. C’était important de pouvoir produire quelque chose de nouveau à écouter, car les gens n’ont rien, à part aller sur les replay des sites de streaming. Moi vous savez j’ai des amis dans le monde entier qui deviennent fous parce que, pour eux, la vie, c’est le spectacle vivant ! C’est aller assister à une représentation, voir la lumière se tamiser avant que les artistes rentrent sur scène, c’est entendre l’orchestre s’accorder… Et tout d’un coup c’était terminé ! J’ai des amis qui sont passionnés d’opéra, qui ne peuvent pas vivre sans. Et tout d’un coup ils se trouvaient à avoir déjà regardé tout ce qu’il y avait sur les sites de streaming. Mais ça ne leur suffisait pas, ils avaient besoin de sortir pour aller dans les salles. Donc connaissant toutes ces limitations, les réseaux sociaux permettent au moins de donner des interviews en live, de montrer les concerts sans public, de continuer à être en contact avec ces gens et c’est une chance énorme de pouvoir garder ce lien !

Récital avec Carrie-Ann Matheson (piano) © Olivia Kahler

P.F : Précisément, en raison du bouleversement qu’il y a eu à la suite du COVID, dans les interviews d’artistes que j’ai faites récemment, beaucoup d’artistes m’ont dit qu’ils ont souvent eu des moments de dépression, de blues au moment du confinement. Ils se demandaient au début de l’épidémie ce qu’allait être leur avenir. Est-ce que vous avez connu ce genre de passage à vide ?

Je vais vous dire, moi j’ai vécu peut-être les choses de façon différente, mais, en revanche, j’ai été entouré de beaucoup d’artistes qui ont vécu ces moments de doute et qui les vivent peut-être toujours aujourd’hui. En ce qui me concerne, je ne peux pas me plaindre, parce que je fais vraiment partie des chanceux : à partir d’avril/mai 2020 j’avais déjà des projets avec Medici, avec Salzbourg donc j’étais déjà en train de me projeter.

Cependant beaucoup de mes amis, beaucoup de mes proches, n’arrivaient pas à se projeter. Vous vous souvenez peut-être qu’il y a un an, lorsque l’on regardait les informations, nous étions persuadés qu’en juin ce serait terminé. Et moi, par rapport à cela, je voulais dégager une sorte d’optimisme, alors je disais : c’est bientôt fini. Mais la réalité c’est que l’on va devoir vivre avec ce virus pendant de nombreuses années, avec des nouvelles mesures, avec des masques, du gel, des vaccins et beaucoup de choses. Franchement j’ai eu la chance de ne pas vivre ces moments de doute mais j’ai tout de même eu des déceptions, notamment lorsque toutes les représentations de mai et juin ont été annulées. Dans mon planning, j’avais La Bohème à l’Opéra de Paris, Traviata à l’Opéra de Vienne, un gala à Covent Garden, la Bohème à Munich, Manon à l’opéra de Zurich : ce fut vraiment une grande déception ! Mais j’avais quand même la possibilité de me dire : j’ai toujours d’autres projets, mes récitals… Au moins toutes les deux semaines, j’ai eu l’opportunité, de façon ponctuelle, de rebondir sur quelque chose, et ce fut une chance énorme pour moi. Tous les collègues qui ont eu la possibilité d’avoir des engagements ont pu rebondir comme cela.

En ce moment, je fais cette production de Faust avec plusieurs collègues américains. Par exemple Christian Van Horn, John Relyea et Stephen Costello, ont, eux, tous vécu la catastrophe artistique aux États-Unis. Ils ont vécu la fermeture totale de toutes ces grandes maisons d’Opéra. Un de ces collègues me disait qu’il avait 23 représentations prévues au Metropolitan Opera qui ont été annulées dans une année. C’est considérable ! Quand on a ses engagements dans une maison comme celle-là et qu’elle reste fermée toute une année, c’est une véritable catastrophe ! Et comme, aux États-Unis, il n’y a pas d’intermittents du spectacle, il n’y a pas de solution d’États pour les artistes et pour soutenir les chanteurs, tous ces artistes se sont vraiment retrouvés dans une situation terrible. Et même s’il y a pu avoir des master class, ou s’ils ont donné des cours, ils n’ont pas chanté et maintenant, pour eux, le fait de revenir en répétition, c’est magnifique. Un de mes collègues m’a dit que, durant une année, il n’a pas mis les pieds dans une salle de répétition ! C’est terrible pour eux de se lever le matin et de se demander : qu’est ce que je fais de ma vie, car je ne me souviens même plus quel est mon métier ! Ma chance ça a été de vivre en Europe et ainsi j’avais des projets et je pouvais rebondir. Mais pour la plupart des artistes en dehors de l’Europe, aux États Unis, en Amérique du Sud, en Australie, en Asie, ils se sont retrouvé tout d’un coup au chômage total !

P.F : et même en Europe… à Londres !

Effectivement ! En Angleterre, cela a été catastrophique pour les artistes. Donc je mesure ma chance d’avoir pu continuer à maintenir un certain exercice physique et vocal au fur et à mesure des mois, ce qui fait que je ne suis pas tombé dans la dépression ou le spleen parce que cela aurait pu être pire. Jonas Kaufmann en a parlé récemment dans une interview à la presse, il y a de graves situations de dépression chez certains artistes qui ne peuvent plus exercer leur art, et même des risques potentiels de suicide. Que faut-il faire, je ne sais pas… Il faudrait que l’on retourne vite travailler pour que tout le monde puisse avoir une activité, ce serait le remède. Mais évidemment c’est plus facile à dire qu’à faire ! C’est effectivement un problème grave dans notre métier quand les artistes se réveillent un jour et ne savent plus quel est leur métier, car ils ne n’ont plus pu l’exercer pendant de si longs mois…

D.P : J’ai eu l’occasion de vous entendre en octobre pour le concert Unisson à l’Opéra-Comique c’était bien de montrer cette solidarité entre des artistes favorisés qui ont pu travailler et les artistes qui ne sont pas dans le même stade de leur carrière.

Vous savez, évidemment, c’est bien de pouvoir les aider et c’était très important pour moi de le faire. Pour les carrières les plus modestes et pour les jeunes artistes c’est essentiel, mais c’est naturel pour nous les artistes qui ont des carrières d’aider et c’est tout à fait normal de donner notre temps. Vous savez Barbara Hannigan a lancé son projet Momentum pour promouvoir le fait que des artistes confirmés puissent inviter de jeunes artistes avec eux sur scène. Je partage tout à fait son avis. Par exemple quand nous avons fait un récital avec Carrie-Ann Matheson, nous avons invité Florie Valiquette, une jeune soprano québécoise. C’était très important pour moi et il faudrait le faire plus ! Un concert dans lequel on met en avant les jeunes, c’est très bien et c’est magnifique, mais c’est aussi gratifiant que d’applaudir les soignants à la fenêtre. C’est juste une tape dans le dos, mais ça ne donne pas du travail pour vivre ! Ils n’ont pas besoin que l’on dise : « on sait que vous existez » et après que l’on reparte. Pour ces artistes, c’est un petit peu le néant : ils doivent s’occuper tout seuls, se réinventer. Donc plutôt que de faire des concerts pour soutenir Unisson – et j’insiste, je veux continuer à le faire et j’appelle tout le monde à soutenir cette association – je crois que le plus important, c’est de mettre l’accent sur le fait de revenir le plus vite possible au travail avec des représentations. Car c’est de cela dont les jeunes et ceux aux carrières les plus modestes ont besoin : ces chanteurs qui travaillent quelques fois par an dans des maisons nationales, qui, soudain, se retrouvent sans rien, et ne peuvent pas se rabattre sur autre chose.

Moi et d’autres chanteurs à mon niveau, nous avons la chance de faire partie de ceux qui peuvent encore travailler, mais sans ces artistes nous ne sommes rien non plus ! Nous avons besoin de tous ces chanteurs qui vont remplir les opéras de Dijon, de Lille, de Rennes, de Nancy, de Nice. C’est important que tous ces chanteurs continuent à se produire, et que tous ces jeunes artistes qui sortent du conservatoire et d’Opéra Studio puissent avoir leur chance : c’est capital pour nous !

P.F : Nous parlions tout à l’heure de votre répertoire français et vous êtes aujourd’hui de ceux qui font vivre ce répertoire. Si l’on doit vous mettre dans une filiation de chanteurs, quels seraient vos modèles ou ceux dont vous vous sentez l’héritier ?

Alors il n’a rien à voir avec l’opéra, mais Jacques Brel a beaucoup compté notamment pour ses « R » et pour sa diction. Dans le monde de l’opéra il est évident que si, aujourd’hui, je suis considéré comme un des ténors qui reprend le flambeau de la génération d’avant, je m’inscris dans la lignée de Roberto Alagna de Georges Thill et de beaucoup d’autres bien sûr. Mais nous avons tous nos spécificités et nous sommes tous dans des générations différentes.

Aujourd’hui la chance que j’ai eue de faire ce Faust au Théâtre des Champs Élysées a été celle de pouvoir essayer des choses qui n’étaient pas essayées et écoutées depuis longtemps, c’est à dire la voix mixte. La voix mixte a été longtemps vue comme quelque chose qui avouait une faiblesse. Si on utilisait la voix mixte, c’est que l’on n’avait pas les aigus. Et je voudrais alerter vos lecteurs sur ce point : la voix mixte fait partie intégrante de la voix du ténor, notamment dans le répertoire français. Il y a eu pendant plusieurs dizaines d’années la grande génération qui a enregistré, les Placido Domingo, José Carreras, Luciano Pavarotti qui chantaient surtout en voix pleine, avec une seule exception qu’était Nicolaï Gedda. Mais pour beaucoup de gens Gedda ne donnait pas assez de testostérone. Il y a eu toute une génération où il y avait un besoin, et peut être une demande de l’auditeur et des maisons de disques, d’avoir du son plein, du sang complet – j’ai dit du sang au lieu de son, oui c’est un beau lapsus – et peut être qu’il y a un intérêt certain à retrouver un équilibre là-dedans. Lorsque j’ai eu la chance de chanter Faust au TCE et de l’enregistrer, je me suis dit : je vais prendre le risque de chanter le contre-ut de l’air de Faust en voix mixte. Parce que je savais que, quelques mois plus tard, j’allais enregistrer mon premier album avec Deutsche Grammophon et que j’allais le chanter en voix pleine. C’était pour moi une sorte de sécurité pour l’auditeur et pour les spécialistes, parce qu’évidemment le réflexe ça peut être de dire : « s’il passe son temps à faire ses contre-ut comme cela, c’est qu’il ne les a pas ». Et ça c’est le risque que l’on a aujourd’hui, en tant que jeune ténor, c’est de tomber dans la peur. De toujours vouloir absolument le contre-ut en voix pleine. Évidemment dans la Bohème on ne peut pas faire autrement, mais c’est très important dans le répertoire français de se rendre compte de toutes la palette de couleurs que l’on a à notre disposition. C’est aussi ce que ce répertoire nous offre : dans Faust, l’écriture de Gounod nous offre beaucoup plus de moments où la voix mixte et la voix de tête se prêtent complètement à l’œuvre et au rôle. Et je pense que là on va prendre le risque – sans vous faire un spoiler de ce qui va se passer – mais dans ce Faust avec Lorenzo Viotti, qui fait la partie de la jeune génération des grands chefs d’orchestre, nous avons pris le parti de nous risquer encore plus à la voix mixte et de faire entendre une sorte d’équilibre. Alors, évidemment, le temps où l’on utilisait la voix mixte était aussi un temps où les orchestres étaient peut-être moins sonores qu’aujourd’hui. Comme j’ai pu le faire avec les Talents Lyriques de Christophe Rousset. C’est vrai que par le passé la masse orchestrale était différente. Tandis qu’aujourd’hui, ce que nous allons faire avec Lorenzo Viotti c’est montrer que l’on est capable d’aller plus loin et de jouer sur toutes les facettes et toutes les couleurs que Charles Gounod nous a offert dans cette œuvre.

D.P : C’est très bien de donner toute sa chance à nouveau la voix mixte, et à cette palette de couleurs sonores.

Redonner sa chance et peut-être aussi ses lettres de noblesse ! Parce que ce qui a été comme une sorte de tare pour les ténors qui utilisaient la voie mixte, c’est que l’on considérait qu’il y avait là quelque chose de désincarné, de « pas sérieux ». Et justement, dans sa carrière, Nicolaï Gedda – dont je suis un grand fan – a montré la richesse qu’il avait avec toute cette palette de couleurs à disposition. Il faut redonner des lettres de noblesse à ces risques-là, car effectivement la voix de tête et la voix mixte, ce sont des prises de risque que l’on prend, parce que c’est difficile d’utiliser ces voix. Comme je le disais précédemment, c’est changer de rails. Comme quand on arrive à la gare de Lyon sur des aiguillages et que le train fait des embardées, ce n’est pas facile pour la voix. Mais je pense qu’il y a un intérêt à faire ça et à montrer que l’on n’est pas seulement dans le « tout vocal » et qu’il y a quelque chose à raconter avec cette dynamique-là. Je ne suis pas un fondamentaliste de la lecture de l’œuvre, où il faut aller absolument dans le pianissimo parce que c’est écrit dans la partition. On peut aussi avoir une liberté parce que chaque artiste a une couleur différente à donner et je pense surtout que l’on peut encore raconter une histoire même si elle a été enregistrée des dizaines de fois. Chaque interprète a la responsabilité de raconter quelque chose de spécial et ma chance aujourd’hui, avec les possibilités de ma voix, c’est de raconter ces histoires avec toute cette palette de teintes. C’est de montrer aux jeunes chanteurs ténors qui sortent de conservatoire qu’il ne faut pas se cantonner à la zone de confort du « tout vocal ». Évidemment c’est possible de le faire et de faire une très belle carrière, mais on manque dans ce cas-là tout un monde qui nous échappe. Avec ces techniques, on peut raconter dans les lieder allemands et dans les mélodies françaises tellement d’histoires que ce serait dommage de s’en priver ! La jeune génération peut se dire que la génération qui la précède essaye de donner du courage et de montrer la voie en disant : vous avez le droit de vous essayer aussi à prendre plus de risques et ce n’est pas parce que vous ne passez pas un orchestre de 80 musiciens que vous n’avez pas de voix ! Laissez-vous aller aussi au risque des capacités que l’on a avec nos cordes vocales pour montrer différentes couleurs.

P.F : Merci Benjamin, on a donc hâte de vous entendre dans cette nouvelle production de Faust.

Oui, cette production va vraiment être une belle réussite, parce que l’on a, dans les deux distributions, des énergies et des dynamiques vocales très différentes, qui sont très complémentaires. Cela vaudra la peine d’entendre le Méphisto de Christian Van Horn, la Marguerite d’Ermonela Jaho et la direction de Lorenzo Viotti, et cela va être une belle production à garder au répertoire de l’Opéra de Paris !

La production de Faust avec Benjamin Bernheim, Ermonela Jaho, Christian Van Horn, Florian Sempey fait l’objet d’une captation vidéo, en vue d’une diffusion le 26 mars 2021 à 20h55 sur la chaîne de télévision France 5.

Kelly Etz

Kelly Etz is a graphic designer, writer, and fisherman sweater enthusiast based in Chicago. She gets her best work done after 1am and spends too much money on fancy shampoo.

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